Le débat à la Chambre : l’opposition de la droite catholique

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Innocent Gayraud est un prêtre député de l’Action libérale dans le département du Finistère. François Fournier est un député socialiste du Gard.

« M. Gayraud
Messieurs, je ne crois pas que depuis l’Assemblée constituante de 1789, un débat plus important que celui qui s’ouvre aujourd’hui sur la question religieuse ait eu lieu dans une chambre française. Voilà pourquoi, à mon avis, il importe, dès le début de cette discussion, de prendre nettement position et de s’expliquer en toute liberté et avec une entière franchise. Vous savez que je ne recule pas devant l’expression de mes pensées ni devant l’affirmation nette et précise de la doctrine catholique. Je vais donc, si vous le permettez, vous dire ici très franchement ce que l’Église catholique enseigne et ce que tous les fidèles enfants de cette Église croient relativement à la séparation des Églises et de l’État. Pour nous, messieurs, l’idéal des rapports entre l’Église et l’État ne saurait être la séparation. Notre idéal, c’est l'union de la société civile et de la société religieuse.

M. Fournier
C’est la domination : celle du pape.

M. Gayraud
… l’union pour la paix des consciences, pour la tranquillité publique et en même temps pour la prospérité de l’État et la liberté de l’Église.

M. Fournier
L’Église n’a jamais été en paix avec le pouvoir civil. [Exclamations à droite

M. Gayraud
Le régime concordataire de 1901 ne réalise pas cet idéal. [Mouvements divers] Non, messieurs, ne croyez pas que nous considérions le Concordat comme l’expression fidèle de la doctrine catholique sur les rapports des deux puissances.
Dans ce Concordat, l’Église est reconnue, non pas comme la vraie religion – ce qu’elle est à nos yeux – mais tout simplement comme la religion de la majorité des Français. […]

M. Fournier
C’est la critique du Concordat que vous faites ! Alors, dénonçons-le ! [Bruits à droite] […]

M. Gayraud
Vous le voyez, je ne regarde pas le Concordat de 1801 comme l’idéal des rapports entre l’Église et l’État. Cependant je n’hésite pas à déclarer que je préfère encore ce régime concordataire à la séparation que vous nous apportez [interruptions à gauche] et il est facile d’expliquer mon sentiment. Par la séparation, l’Église deviendra en réalité, dans ce pays, une association semblable à toutes les autres. […] Le caractère divin qui, aux yeux de notre foi, lui appartient, sera méconnu, nié par la loi et par le Gouvernement de ce pays. [Très bien ! très bien ! à l’extrême gauche] Elle perdra le bénéfice de la reconnaissance et de l’appui de l’État. »

Débats parlementaires à la Chambre des députés, 19 mars 1905, compte rendu in-extenso, Journal officiel de la République française.

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